« Il faut absolument que j’arrive à caser cette nouvelle prise en charge dans l’emploi du temps du mercredi… tant pis si je passe l’après-midi dans la voiture »
« Oh, j’en peux plus de ce bordel administratif et de ces dossiers à remplir, qu’ils aillent tous se faire voir ! »
« Allons, il ne faut pas s’énerver, c’est important de savoir gérer ses émotions »
« Tiens, ça fait longtemps que tu n’es pas partie en week-end avec tes copines, ce serait pas du luxe… »
« Dis donc, la maman de Bidule a l’air de s’en sortir 100 fois mieux que toi alors que sa situation est bien plus difficile, de quoi tu te plains ? »
« Mais va donc dormir, tu vois bien que tu es épuisée et que tu n’es plus bonne à rien ce soir… »
Chère Fabuleuse, j’ai besoin que tu me rassures :
Je ne suis pas la seule à avoir ce genre de voix plein la tête, si ?
Hélène et Anna disent souvent qu’elles ont l’impression d’avoir des réunions dans leur cerveau ; chez moi c’est plutôt un concert de hard rock version heavy “mental” ^^ ! Dans cette cacophonie, je reconnais la voix de la Petite fille docile qui devance les injonctions, mêlée à celle de l’Ado rebelle qui a envie de tout envoyer promener, aussitôt recouverte par celle de la Maturité (haha) qui appelle au sens des responsabilités, brouillée par celle de la Fantaisie qui fredonne un air d’évasion, tancée par le fameux Juge intérieur qui trouve toujours quelque chose à redire, etc.
Bref, c’est épuisant et je finis par ne plus rien vouloir entendre.
Alors je me prends à rêver d’une autre forme de concert. Ce serait un orchestre philharmonique, avec chaque famille d’instruments sagement à sa place – les cuivres, les cordes, les percussions… — et surtout, surtout, un chef d’orchestre qui dirige ce petit monde de façon ferme et bienveillante : « Moins fort les violons, doucement les cymbales, je veux entendre les flûtes maintenant ! » Ah, une musique intérieure enfin audible, où chaque voix aurait droit à un volume proportionnel à son utilité dans la mélodie… Et pourquoi pas, après tout ?
Pourquoi ne pas décider de prendre ce rôle de chef d’orchestre ?
Commençons par le commencement. La voix la plus importante à canaliser me semble être celle du Juge intérieur, dont le volume est presque toujours au maximum. Tu la connais aussi, cette voix qui martèle des pensées dures comme des cailloux, n’est-ce pas ? Notre chroniqueuse Rebecca Dernelle-Fischer en a listé quelques-unes dans son ebook « La barre vitaminée des Fabuleuses aidantes » :
- « Je dois tout gérer efficacement »,
- « Son bonheur dépend de moi »,
- « C’est tout ou rien »,
- « Personne ne saura prendre soin de lui comme je le fais »,
- « Personne ne comprend ce que nous vivons »….
Rebecca rappelle que « ce sont des idées qu’on porte avec nous, qui peuvent sonner justes mais qui nous trompent, des bons concepts pratiques mais qu’on applique trop sévèrement, des pensées qui nous enfoncent parce qu’elles nous rendent la vie encore plus dure. »
Alors couic, essayons un peu de leur couper le micro.
Pas facile, bien sûr, mais le fait d’identifier ces pensées-cailloux peut déjà aider à leur donner moins de puissance sonore.
Ensuite, je m’occupe de la voix de la Petite fille docile — qui écoute elle-même beaucoup le Juge intérieur. Son discours s’articule autour d’une idée fixe : « Il faut tout faire parfaitement pour espérer être aimée »… Quant à l’Ado rebelle, ce n’est pas forcément mieux : « Tu peux tout envoyer balader, de toute façon t’es nulle ». Ces deux voix-là font partie de moi depuis tellement longtemps que j’ai parfois tendance à les confondre avec ma personnalité. Mais je peux décider de leur rendre leur place : des témoins de mon histoire, ni plus ni moins.
Et en tant que telles, elles peuvent rester en sourdine, en fond sonore, sans voler la vedette à mon présent.
Puis je convoque les voix de la Maturité — un peu austère mais nécessaire – et celle de la Fantaisie et je leur attribue à chacune des mélodies différentes, pas forcément dans les mêmes partitions, mais avec autant de notes et de puissance. Nous avons tant besoin de l’une et de l’autre dans nos vies aux mille défis !
Enfin, il me faut accorder une attention maximale à la voix de l’auto-compassion dont j’avais parlé dans un précédent article ; celle qui me parle avec bienveillance quand je souffre ou quand j’ai l’impression de ne pas être à la hauteur : « Ça va aller. Tu as le droit de te sentir découragée. Quoi qu’il arrive, tu as de la valeur. Tes enfants n’ont pas besoin d’une mère parfaite, ils ont besoin de toi. » Pour cette voix, il faut vraiment augmenter le volume et la glisser dans tous les morceaux, en particulier les plus difficiles.
Ça y est, je sens que le concert prend forme…
Mais il manque encore un ingrédient secret. Lequel ? Mon souffle ! Car oui, plus encore que dompter chacune de nos voix, le plus efficace pour se sentir en harmonie avec soi est de se connecter à l’ici et maintenant de nos sensations.
Chère Fabuleuse,
J’espère que ce petit voyage sonore t’aura donné envie, à toi aussi, de moduler davantage les voix de ton concert intérieur. Et finalement, de ne pas oublier d’inspirer, expirer… pour pouvoir entendre le chant des oiseaux