Génération sandwich : à celles qui aident leurs parents en plus de leurs enfants

Ça commence parfois par une visite hebdomadaire pour faire plaisir, puis par une aide ponctuelle pour les démarches administratives. Progressivement, les passages se rapprochent pour vérifier que “tout va bien”, puis s’ajoutent les courses, la gestion des rendez-vous médicaux, les repas… 

Sans t’en rendre compte, te voici devenue aidante de tes parents.

Ceux-là mêmes sur qui tu comptais il n’y a pas si longtemps, pour te réconforter en cas de coup de mou ou pour te dépanner avec tes propres enfants, les voici qui basculent dans la dépendance, dans une cruelle inversion des rôles.

Ces mots te parlent, chère Fabuleuse ?

Eh oui, la majorité des aidants sont des femmes : les filles s’occupent davantage de leurs aînés que les fils. Et parmi elles, nombreuses sont celles qui soutiennent à la fois leurs parents en perte d’autonomie, mais aussi un enfant en situation de handicap ou un conjoint malade : d’après le baromètre des aidants 2021 de la Fondation April, un aidant sur trois accompagne au moins deux personnes. Par ailleurs, 66 % des aidants étant actifs, il leur faut également souvent jongler avec des impératifs professionnels en parallèle de ces multiples casquettes, avec le risque de voir leur carrière pâtir de leur manque de disponibilité.

Les médias parlent de “génération sandwich” pour évoquer ces personnes autour de 40-50 ans prises en étau dans une double solidarité intergénérationnelle. L’expression date des années 1980 mais sa réalité ne fait qu’augmenter avec l’allongement de l’espérance de vie, le recul de l’âge de la maternité et le départ plus tardif des jeunes de leur foyer.

Dans un article du Monde sur ce phénomène, Claudie Kulak, fondatrice du réseau d’entraide La Compagnie des aidants, les appelle des « cumulards » : « Ils assument leur engagement envers plusieurs personnes de leur famille au détriment de leur propre vie sociale, de leur travail et de leur couple, si bien qu’ils arrivent à nous complètement épuisés ». Aïe, ça pique…

Et en effet, comment garder le cap dans de telles conditions ?

D’abord, oser reconnaître cette situation de multi-aidance. Car si le handicap ou la maladie d’un enfant sont souvent brutaux et imposent une adaptation rapide, la perte d’autonomie d’un parent est généralement plus progressive, de telle sorte que le glissement vers le statut d’aidant est insidieux. Pourtant, se reconnaître comme tel, dans ce domaine également, est la première étape pour prendre la mesure de l’énergie et du temps que cela peut représenter dans le quotidien. 

À partir de là, il est possible de chercher à déléguer : responsabiliser ses frères et sœurs si on en a, solliciter le voisinage ou des associations de bénévoles pour des visites de courtoisie, recruter des aides à domicile si les finances le permettent, etc. L’objectif est de réduire la charge et diminuer le stress pour pouvoir tenir sur la durée et répartir les risques en cas d’empêchement de l’un ou de l’autre. La plateforme Ma Boussole Aidants, qui regroupe les propositions d’associations et de pouvoirs publics, peut être utile pour chercher des relais.

Ensuite, il est essentiel, encore et toujours, de prendre soin de soi.

D’après une enquête menée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques en 2015, 27 % des Français aidant au quotidien un de leurs parents font état d’anxiété et de stress, quand 24 % déclarent souffrir de fatigue physique. Réaliser des exercices de méditation ou de respiration (avec des applis comme Petit Bambou ou RespiRelax+ par exemple), s’octroyer du temps pour des activités physiques (ne serait-ce que de la marche ou de la danse) et s’accorder des moments de fun et de légèreté peuvent aider à réduire la charge émotionnelle liée à cette situation.

Enfin, je voudrais conclure ce texte par une question : est-il toujours “normal” d’aider ses parents ?

« De multiples raisons peuvent amener les membres d’une famille à accepter ou non leur rôle d’aidant. (…) Il n’y a rien de systématique, d’obligatoire, dans l’accompagnement d’un proche. On pourrait penser que cette solidarité est logique, alors que non ! Chacun devrait être libre de décider ou non de devenir aidant. Les tendances sociétales laissent bien souvent penser que cette « solidarité », imposée par le regard de l’autre, est logique. Notre regard en tant qu’auteurs sur cette question est loin de ces clichés comme de ces obligations : vous êtes libre de vos engagements et décisions, et la société ne peut pas et ne doit pas imposer ce rôle aux aidants au titre de la solidarité familiale. » (extrait du livre Les proches aidants pour les nuls, de Marina Al Rubaee et Jean Ruch)

Chère Fabuleuse, tu as le droit de dire « non », au moins à une partie de ces charges : tu as le droit de choisir tes combats et la façon dont tu les mènes. Tu n’as de dettes envers personne. Ta principale responsabilité est d’honorer tes limites. N’oublie pas que tu es fabuleusement humaine.