Comment gères-tu ton niveau d’énergie ?

Je me suis longtemps dit que j’étais paresseuse. En effet, en cours de journée, je me sentais parfois au ralenti, avec l’envie de ne rien faire, et je me sermonnais intérieurement de ce manque d’énergie. Comment se faisait-il que mes réserves s’épuisent si vite ? En avais-je moins que les autres ? C’est en découvrant la théorie des cuillères que j’ai pris conscience du principe de fatigabilité. Oui oui, tu as bien lu, je vais aujourd’hui te parler de cuillères   

Chère Fabuleuse aidante, à toi dont la fatigue chronique fait partie du quotidien,

laisse-moi te dire quelques mots sur cette « théorie des cuillères » (ou « spoon theory » en VO). Il s’agit d’une métaphore inventée par Christine Miserandino, une auteure américaine qui souffre de lupus (une maladie chronique auto-immune) et qui a créé un blog au nom évocateur : www.butyoudontlooksick.com (« mais tu n’as pas l’air malade ! »). 

En 2003, alors qu’elle déjeunait au restaurant avec une amie, celle-ci lui a demandé ce que cela faisait de vivre avec le lupus au quotidien.

Christine a alors attrapé la première chose qui lui tombait sous la main : des cuillères.

Elle en a confié 12 à son amie en lui expliquant qu’elles représentaient son stock d’énergie pour la journée et elle lui a demandé de lister ses activités quotidiennes. Pour chaque tâche, même la plus banale, Christine retirait une cuillère des mains de son amie : se lever, préparer le petit-déjeuner, prendre les transports en commun, etc. L’objectif était de lui faire comprendre qu’elle était obligée de rationner ses efforts, d’opérer sans cesse des choix pour avoir suffisamment de « cuillères » jusqu’à la fin de la journée. Elle lui a indiqué qu’il était possible d’emprunter des cuillères au jour suivant mais que cela signifierait un lendemain encore plus difficile à tenir… 

Ce que je préfère dans cette histoire, c’est la fin. À cette amie qui était bouleversée de réaliser ce que représentait une telle vie, Christine a dit :

« Ne t’inquiète pas. Je le vois comme une bénédiction. J’ai été forcée de penser à tout ce que je fais. Sais-tu combien de “cuillères” les gens gaspillent chaque jour ? Je n’ai pas de place pour du temps gaspillé, ni pour des “cuillères” gaspillées, et j’ai choisi de passer du temps avec toi. » 

Christine Miserandino conclut son essai par ces mots :

« Je donne une partie de moi, dans tous les sens du terme, dès que je fais quelque chose. C’est devenu une boutade : je suis maintenant connue pour dire aux gens, en blaguant, qu’ils devraient se sentir importants quand je passe du temps avec eux, puisqu’ils ont une de mes “cuillères”. »

La théorie des cuillères est entre-temps devenue une référence pour expliquer et illustrer la gestion de l’énergie physique et/ou mentale des personnes souffrant de handicap ou de maladie chronique – en particulier lorsque ces affections sont invisibles.

Mais je crois qu’au fond,

aucun être humain ne dispose d’une quantité illimitée de « cuillères ».

Et même si l’on n’est pas soi-même malade ou handicapé, je pense que notre capital énergétique peut être très fluctuant selon notre personnalité et selon les événements de vie que nous traversons. 

Pour ma part, j’ai ainsi réalisé qu’entre mon rôle de maman de trois jeunes enfants (dont au moins un hypersensible) et mon métier de psychologue, mon quotidien était rythmé par des missions particulièrement gourmandes en « cuillères ».

Ce n’est pas simple à évaluer, car beaucoup de ces tâches me ressourcent en même temps qu’elles m’épuisent !

Mais dans la mesure où je suis moi-même hypersensible (les chiens ne font pas des chats ^^), je me suis rendu compte que j’avais vraiment besoin de temps de récupération au cœur de mes journées – ce que j’appelais jusqu’alors mes moments de « paresse » – pour me recharger en cuillères et tenir jusqu’au soir : 5 minutes à regarder par la fenêtre en laissant mes pensées divaguer ; 15 minutes à « scroller » mon fil d’actu sur Facebook ; 20 minutes de marche à pied…

Et j’apprends progressivement à lâcher ma culpabilité en acceptant ces instants de « rien » comme nécessaires à mon équilibre.

En parallèle, je mesure aussi l’importance d’accorder de la valeur à mon énergie et à l’usage que je choisis de faire de mon temps. Même si beaucoup d’actes de la vie quotidienne sont inévitables, il n’est pas interdit de chercher à les alléger ! Non, ce n’est pas un luxe incroyable de me faire livrer mes courses plutôt que de consacrer 2 heures à faire l’aller-retour au supermarché. Et il n’est pas irresponsable de laisser mon fils de 8 ans gérer seul ses trajets jusque chez la psychomotricienne, dans la mesure où lui-même s’en sent capable et en retire une certaine fierté. Si ce temps préservé me rend plus disponible et de meilleure humeur pour écouter mes enfants et mes patients, ne sommes-nous pas tous gagnants ? 

Chère Fabuleuse, ton énergie est précieuse.

Alors je t’invite vraiment à choisir tes combats et à réfléchir à la manière dont tu gères tes « cuillères ». Qu’est-ce qui en consomme le plus dans ton quotidien ? Pourrais-tu les utiliser de façon plus satisfaisante pour toi ? Et surtout, quels sont tes moyens pour en récupérer ?

Toi seule sais ce que te coûtent tes journées et ce dont tu as besoin pour pouvoir prendre soin de tes cuillères… et donc de toi !