La Toussaint approchant avec ses journées courtes et fraîches, je crois que nous pouvons déclarer officiellement ouverte la saison de la pause bouquin sur le canapé en toute bonne conscience. Voici donc quelques idées de romans qui m’ont plu ces derniers mois et qui accompagneront peut-être tes propres “moments rien que pour toi” cet automne 😊
Celle qu’il attendait, Baptiste Beaulieu
« C’est le jour même de sa rencontre avec Joséphin qu’Eugénie D., mi-femme, mi-poésie, rêva d’une femme en noir. » Voici les premiers mots du roman de Baptiste Beaulieu, lui-même mi-homme, mi-poète – et accessoirement médecin généraliste – qui n’a pas son pareil pour emporter ses lecteurs dans des histoires tendres et fantasques.
On suit ici le destin amoureux de deux êtres cabossés par la vie : Eugénie, « une femme grosse qui gagne sa vie en inventant des objets mais ne parvient plus à prononcer certains mots » et Joséphin, improbable chauffeur de taxi qui voyage à pied, excelle dans l’art de la poterie et ne peut parler que si quelque chose tourne sous ses mains.
J’ai lu ce livre comme on plonge dans un bain chaud aux bulles multicolores : on se laisse emporter dans un conte à la fois tragique et merveilleux, dans lequel les femmes apprennent à reconstruire leurs ailes et où le temps s’étire à l’infini pour qui veut bien y croire.
Tout le bleu du ciel, Mélissa Da Costa
Un best-seller avec une aidante pour héroïne, ce n’est pas si fréquent ! Celle qui va accompagner Emile tout au long de ces 800 pages (!) est une étrange jeune femme prénommée Joanne qui a répondu à une petite annonce : « Jeune homme de 26 ans, condamné par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) d’aventure pour partager avec moi ce dernier périple. »
Gros succès de librairie, ce roman ne m’avait pas attirée au départ mais une fois la première page tournée, je ne l’ai plus quitté. Les personnalités complexes et sensibles des deux héros se laissent découvrir de façon subtile, révélant leurs fêlures et leurs forces au fil des kilomètres parcourus ensemble avec beaucoup de pudeur.
Emile et Joanne, autant aidés qu’aidants l’un pour l’autre, illustrent merveilleusement la maxime de Brené Brown chère aux Fabuleuses : « Nous avons divisé le monde en deux camps : ceux qui proposent leur aide et ceux qui ont besoin d’aide. En réalité, nous sommes dans les deux camps. » (dans Le Pouvoir de la vulnérabilité)
Les Possibles, Virginie Grimaldi
L’histoire commence comme une mauvaise blague : Juliane, jeune mère de famille au quotidien bien huilé, voit soudain son père fantasque s’installer chez elle suite à l’incendie accidentel de sa maison. D’abord agacée par cet éternel enfant qui a toujours revendiqué son originalité haut et fort, Juliane ne perçoit pas tout de suite les signes de sa maladie dégénérative. En parallèle, on découvre qu’elle veille déjà sur son fils de 7 ans atteint de dysphasie, pour lequel elle collectionne les rendez-vous de pédiatre, les bilans d’orthophoniste et les inquiétudes diverses pour son présent comme pour son avenir.
Comment accepter ce nouveau poids sur ses épaules ? Virginie Grimaldi décrit avec justesse les cinq étapes du deuil par lesquelles va devoir passer son héroïne : déni, colère, marchandage, dépression, acceptation. Mais aidée dans cette quête par la tendresse et la gaieté de son drôle de père, elle redécouvre progressivement tous les “possibles” de sa propre vie. Une ode à la différence, pour oser sortir des rôles que l’on s’impose parfois sans même sans rendre compte…
Âge tendre, Clémentine Beauvais
Voici un livre inclassable qui m’a véritablement enchantée. Très déstabilisant au départ, il prend la forme d’un rapport de stage écrit par un certain Valentin Lemonnier, 14 ans, souffrant d’anxiété intense et obligé de réaliser un service civique d’une année dans un centre pour personnes âgées atteintes de démence. Détail important : cette unité de soin avant-gardiste a choisi de faire vivre ses pensionnaires dans un environnement reconstituant celui des années 60 – de quoi déclencher de nombreux quiproquos et anachronismes.
Dans ce décor loufoque, on suit à travers le journal de bord que tient Valentin toute son évolution intérieure, le vacillement de ses certitudes et son ouverture progressive aux autres. Les liens intergénérationnels se tissent avec humour et détours, rappelant qu’il n’y a pas d’âge pour partager des émotions, heureuses ou malheureuses.
« Parfois, je me dis que ces conversations servent plus à moi qu’à eux, mais en fait je n’en sais rien. On n’en sait rien. Peut-être que loin quelque part dans leur cerveau tout rongé, il y a mes mots qui viennent mettre des petites caresses. »
Liv Maria, Julia Kerninon
« Le soir, il venait s’asseoir au bord de son lit pour lui lire L’Amour de la vie, une nouvelle de Jack London, quand elle n’avait pas encore dix ans. (…) Là aussi, avait pensé Liv Maria, il y a une leçon : pas tant l’idée qu’on n’apprenait pas de ses erreurs, mais plutôt celle qu’il serait impossible de se protéger éternellement contre la vie elle-même. On ne pourrait pas faire l’économie de la part de risque que comportait l’existence. »
Ce roman étonnant déroule la vie de Liv Maria, née sur une petite île bretonne d’un père norvégien passionné de littérature et d’une mère taiseuse tenancière de café. Éprise de liberté, elle voyage, tombe amoureuse, souffre et se relève de mille aventures.
J’ai beaucoup aimé ce flamboyant portrait de femme qui nous livre ses contradictions, ses hontes et ses peurs, mais aussi son courage et sa résilience. Le tout est porté par une belle écriture dont l’empreinte reste longtemps après avoir refermé le livre.